Marie-Causette, © Michel Charvet
Marie Causette (gouache)

Située en Galilée, en bordure de la mer du même nom, Magdala était une charmante petite cité balnéaire dont l’activité économique tournait essentiellement autour des soins  thalasso et des locations de pédalos. Sa réputation n’était plus à faire et s’étendait bien au-delà des frontières. Les affaires allaient bon train… jusqu’au jour où débarquèrent les légions romaines de Tibère. Peu enclins à la balnéothérapie, les nouveaux venus s’empressèrent de piller et de saccager  la paisible station pour en faire  une ville de garnison. Le quotidien de la population, déjà exsangue, devint un véritable enfer : on ne comptait plus les exactions commises à son encontre par les troupes d’occupation…

Petit à petit, la ville perdit tout crédit et bascula dans l’anarchie. Sous l’impulsion de la pègre locale, les hôtels et maisons de maître, jadis luxueux et prospères, se transformèrent en sordides bouis-bouis et boxons de bas-étage, propices à toutes sortes de libertinages. Parmi tous ces personnages peu recommandables, se trouvait Moshé, plus connu dans le milieu sous le sobriquet de Moshé « le débauché ». Ce triste sire tenait un « clandé » malfamé au sortir de la ville sur la route de Nazareth, pompeusement baptisé « Palais des Délices ».

… Marie était une belle fille un peu paumée qui, très tôt, avait voulu s’émanciper en quittant un cocon familial plutôt aisé. Sa naïveté l’avait amenée à exercer toutes sortes de petits métiers sous-payés. Le plus souvent exploitée, elle vivait désormais dans une grande précarité.

Un soir, au bord du désespoir, alors qu’elle arpentait, sans arrière-pensée, le trottoir, elle fut abordée par un homme de fort belle allure, à la mise bien faite et au regard de braise.

— Belle enfant, quel est ton nom, et que fais-tu dans la rue à moitié nue  à cette heure avancée de la nuit ?

— Je m’appelle Marie Cosette et je suis de Magdala. Vous me voyez ci-devant, Pôvre miséreuse, à implorer votre bonté et quémander quelques deniers afin de me sustenter.

Devant une telle détresse, l’ignoble maquereau flaira la bonne affaire, sortit quelques piécettes de sa bourse, les lui tendit et  dit d’une voix douce : 

— Pauvre enfant si démunie, aujourd’hui la chance te sourit, car je suis l’homme de ta vie. Suis-moi, j’ai pour toi de grands projets. Je me présente, je m’appelle Moshé Ténardier, mais tu peux m’appeler Moshé.

D’un geste tendre, il lui prit la main et l’amena vers la porte de la cité où ils disparurent, happés par l’obscurité…