David et Jonathan, ©Michel Charvet
David et Jonathan (Gouache)

Depuis qu’il avait vaincu le géant Goliath, la popularité du jeune David n’avait cessé de grandir. Conscient que cette situation pouvait à terme finir par lui nuire, le Roi Saül n’avait plus qu’un seul désir, celui de le voir partir. Aussi avait-il demandé à son fils Jonathan de faire comprendre à l’intéressé qu’il n’était plus en odeur de sainteté au sein du palais, et qu’il devait s’en aller.

Mais les choses ne s’étaient pas passées comme espérées et, aujourd’hui, le monarque était désespéré. Il arpentait la chambre à coucher, serrant dans sa main une lettre froissée. Son épouse avait beau lui dire de se calmer, rien n’y faisait : 

— Me calmer ! hurla-t-il, en lui montrant le billet.  Saviez-vous que votre fils était pédé ?...et bien lisez et vous comprendrez !!

— Votre fils ! Comme vous y allez !  rétorqua la Reine.  Il me semble que c’est aussi le vôtre.

— Permettez-moi d’en douter, répondit du tac au tac le monarque. Entre ma fille qui est une mocheté et que personne ne veut épouser, et mon fils qui aime les garçons, je me pose des questions.

— Dis-donc Raymond, tu ne trouves pas que tu pousses un peu loin  le bouchon,  s’emporta la Reine. D’abord Michol n’est pas moche, certes elle a un physique ingrat, mais elle finira bien par trouver « chaussure à son pied ». Quant à Jonathan, s’il sort avec des garçons de son âge, je ne vois pas ce qui peut vous mettre en rage. Il serait grand temps que vous le laissiez vivre sa vie d’adolescent.

Le Roi ne décolérait pas

—  Et la succession au trône, vous y avez pensé. Imaginez la cérémonie d’investiture de « Choubidou 1er », et le peuple de crier : Le Roi en  est ! Le Roi en est! Le Roi est gay !! Ne trouvez-vous pas qu’il y a de quoi se mettre en émoi.

— Je vous en prie mon ami,  tempéra la Reine. Je vous assure qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter… et puis d’abord, avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?

Le Roi défroissa alors la lettre et commença à lire le poème que Jonathan avait écrit à l’attention de son amant.

«  Sur la mousse tendre et humide du matin

Côte à côte nous nous sommes couchés,

Et lorsque, hésitant et tremblant j’ai pris ta main

Le temps s’est arrêté et mon cœur a chaviré. »

— Il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat,  fit remarquer la Reine, dubitative.

— attendez la suite, enchaîna le Monarque.