Un beau matin, profitant de l’absence d’Adam parti chercher le pain quotidien, Eve, comme à l’accoutumée, se prélassait au pied du pommier ; perdue dans ses pensées, elle ressentit soudain à ses pieds quelque chose qui la frôlait. Intriguée elle écarta les herbes et reconnut Fernand.
— Bonjour Fernand, tu es bien matinal – lui dit-elle d’un ton on ne peut plus amical.
Le reptile ne répondit pas et commença à s’enrouler langoureusement autour du corps nu de l’ingénue. Eve sentit son cœur s’accélérer, elle éprouvait des sensations jusque-là inconnues ; le souffle court, elle bredouillait – que fais-tu, mais que fais-tu ?
Devant le trouble de la belle, le serpent continua son exploration sensuelle, s’aventurant dans les endroits les plus intimes de l’innocente victime.
Totalement soumise aux caresses du perfide Fernand, Eve s’abandonna sans retenue. S’en suivit un corps à corps d’un érotisme torride et dont les conséquences allaient s’avérer pour le moins désastreuses. En effet, en plein transport amoureux, les deux amants n’avaient pas remarqué que les pommes sacrées, à force d’être secouées, s’étaient décrochées et jonchaient désormais sur l’herbe, piétinées. En constatant les dégâts, Eve était dans tous ses états et regrettait de s’être laissée aussi facilement posséder. Elle songea à l’avertissement que Dieu lui avait adressé et se trouva fort embarrassée… La voyant aussi désemparée, le serpent tenta de la rassurer :
— Foutaise que cela – persifla-t-il – les pommes ne sont pas destinées à l’exportation comme on a pu te le faire croire ! En vérité, cet arbre porte en lui les fruits de l’intelligence et du savoir. Mange la pomme et tu deviendras, grâce à tes connaissances, aussi puissante que ton créateur ; alors à nous deux, nous aurons le pouvoir et régnerons en maîtres.
…puis le félon ramassa le fruit interdit et le lui tendit, la malheureuse céda à la tentation et le croqua avec délectation… Sur ces entrefaites, Adam qui venait d’arriver assista à la scène, horrifié.
En les voyant ainsi enlacés, son sang ne fit qu’un tour ; laissant tomber son pain, il se munit d’un gourdin et, le saisissant à deux mains, aplatit la tête du malin. Puis il s’en prit violemment à Eve, lui reprochant notamment sa futilité et son manque de discernement :
— Pauvre folle ! Pour l’intelligence, ce n’est pas une pomme qu’il te fallait avaler mais tout un panier !
Eve pleurait abondamment, s’apitoyant sur le sort de Fernand. De son chagrin, Adam n’en n’avait cure et lui tenait désormais des propos de plus en plus durs :
— S…. ! P…. ! Il suffit que j’ai le dos tourné pour que tu t’envoies en l’air avec ce misérable ver de terre.
…Comparer Fernand à un ver de terre, c’en était trop pour Eve qui ne se laissa pas faire et déclencha au passage la première scène de ménage de l’histoire de l’humanité. Elle s’en prit à son tour à son « compagnon », le traitant de fainéant alcoolique, vantant les mérites du reptile qui, lui au moins, avait un comportement romantique, puis elle le menaça de tout laisser tomber et de retourner vivre chez sa mère.
Adam pensa qu’elle était décidément très très conne, et que ce n’était pas un panier qu’elle devrait manger mais tout le pommier… puis il s’assit, et avec un brin de fatalité se dit – au point où j’en suis, je pourrais bien en goûter une aussi … ce qu’il fit.
Dans son dos une petite voix l’interpella :
— Fi tu Pfeux m’en ecrafer une auffi , fe la manfferai en comfote.