Isaac, qui venait de sortir de l’enfance, était encore traumatisé par sa douloureuse expérience. Le suivi psychologique n’avait été d’aucune utilité et Abraham pressentait l’imminence d’un drame. Aussi, pour pallier toute éventualité, le vieil homme décida, pour lui changer les idées… de le marier.
Pour ce faire, il chargea son fidèle secrétaire Eliézer d’aller au-delà des frontières chercher une belle étrangère.
— Vas du côté de Nahors en Mésopotamie, ordonna Abraham J’ai là-bas quelques amis dont les filles sont très jolies.
Eliézer prit dix chameaux et les chargea de biens précieux, comme autant de cadeaux. Puis, pas forcément convaincu, il s’en fut, pensant qu’il n’était nul besoin de partir si loin et de dépenser un tel magot à la seule fin de déniaiser un puceau. Mais, comme il était un serviteur zélé, il mit de côté ses mauvaises pensées et, avec abnégation s’investit à fond dans sa mission…
… Après d’incessantes pérégrinations, il arriva enfin à destination. Aux portes de la cité, il décida de bivouaquer. Mais, alors qu’il cherchait un point d’eau afin de faire boire ses chameaux, il aperçut une jeune femme penchée sur un puits. La vision qu’offrait cette dernière lui laissa penser qu’elle pourrait bien faire l’affaire… Lorsqu’elle se redressa et se retourna, la cruche dans les bras, elle n’éprouva aucune gêne devant cet étranger qui la dévisageait. Bien au contraire, c’est d’une voix douce et le visage empreint d’une grande bonté quelle lui demanda s’il ne voulait pas se désaltérer.
— Je boirai bien un p’tit coup, merci, répondit le messager avant de rajouter pour lui-même. Et ceci est bien la moindre de mes envies.
Eliézer but à satiété et fit plus ample connaissance. Rassuré de constater que l’eau et la fille étaient pures, il jugea favorable la conjoncture pour lui dévoiler le but de son aventure :
— Cela vous dirait de devenir l’épouse du fils de mon maître ? Il se nomme Isaac, il n’a rien de particulier mais de Dieu il est le protégé.
La jeune femme était pour le moins perplexe et répondit d’un air embarrassé :
— C’est que je ne peux pas faire ce que je veux; il faut dans ce genre d’affaire que j’en parle à mon père.
— Et bien, mon enfant, amenez-moi chez vos parents; nous trouverons surement un arrangement.