Conscient qu’il n’en n’avait plus pour longtemps, Jésus s’adressa à ses disciples :
— Mes amis, je sais que mes jours sont comptés. Aussi, avant de passer de vie à trépas, j’aimerais partager avec vous un dernier repas.
Puis il précisa.
— Je vous donne rendez-vous, ce soir, au resto « Chez Toto ». Vous trouverez facilement l’établissement, il est attenant au clandé de la grosse Mado.
— Je connais ! dit André. J’y suis déjà allé. Un peu gêné, il tint à préciser : Au resto…pas chez Mado.
Jésus esquissa un sourire et conclut :
— Il est bien évident que je compte sur votre discrétion concernant la réunion. Pour l’heure, j’ai encore quelques détails à régler, je vous rejoindrai dans la soirée.
Ceci dit, il prit congé, laissant les apôtres totalement désemparés.
… Jésus avait prévenu. Le repas devait se dérouler en toute intimité. En conséquence de quoi, le dénommé Toto avait baissé ses rideaux et placardé sur la porte d’entrée un écriteau sur lequel était écrit : Fermé pour cause de décès.
En découvrant l’inscription, Jésus pensa qu’il n’aurait pas trouvé meilleure formule. Soulagé de savoir qu’il ne serait pas importuné, il entra par une porte dérobée.
A l’intérieur, les apôtres au grand complet étaient déjà attablés en compagnie de Marie-Madeleine qui, pour rien au monde, n’aurait raté la Cène. Chacun avait choisi sa place en fonction de ses affinités, à l’exception d’André qui dut se décaler pour laisser Marie-Madeleine s’assoir à la droite de Jésus…
… Au moment de servir, le patron, mal à l’aise, expliqua :
— Mes bons Seigneurs ! Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais je n’ai matériellement pas eu le temps d’aller sacrifier l’agneau sacré. Aussi, pour la pâque, vous ai-je fait des œufs et un magnifique lapin en chocolat. Pour ce qui est de la boisson, j’ai un excellent petit vin qui accompagnera merveilleusement le lapin.
Le repas n’était pas banal mais, après tout, aucune loi n’obligeait à manger de l’agneau, fut-il sacré, lors des festivités.
Jésus prit le lapin et le brisa. Puis il partagea les morceaux avec les apôtres. Alors qu’il offrait une oreille à Thomas, il leur dit :
— Prenez et mangez, car ceci est mon corps.
Puis, il versa à tout un chacun un grand verre de vin en précisant :
— Buvez, car ceci est mon sang.
Ce qu’ils firent avec envie, tant le chocolat leur avait donné la pépie.
Le vin et le lapin expédiés, Jésus décida alors de leur laver les pieds.
— Ne pourrait-on pas plutôt se laver les mains ? demanda Thomas dont les doigts étaient maculés de chocolat.
Jésus ne répondit pas. Il s’agenouilla, prit un gant de toilette, une savonnette, puis il trempa les pieds de l’apôtre dans la bassine d’eau tiède et les lui nettoya consciencieusement, en insistant tout particulièrement entre les orteils, endroits les plus souvent négligés et source d’infectiosités.
Lorsque ce fut au tour de Judas, Jésus lui refusa le bain et se justifia :
— Judas ! Ton âme est aussi noire que tes pieds et, pour cela, je devrais te châtier. Mais en deviendrais-tu meilleur ? J’en doute. Alors, va te faire pendre ailleurs !!
Livide, le traitre quitta sous les huées la Cène, ce qui attisa encore plus sa haine.