Michel Charvet, artiste peintre

L’exil en Egypte, ©Michel Charvet
L’exil en Egypte (Gouache)

Assis autour de la misérable natte qui leur servait de table, la Sainte-Famille regardait tristement le récipient de terre cuite d’où s’échappait le fumet nauséabond d’un brouet aux scarabées. Devant leur infortune, Marie priait très fort le Seigneur pour que ce dernier lui octroie une ultime faveur. Quant à Joseph, il ne cessait de culpabiliser, conscient que son idée d’aller présenter le nouveau-né au concours du plus beau bébé de l’année à Bethléem était la source de tous leurs problèmes.

En songeant à son fils, Marie fondit en larmes. Ses pleurs et ses lamentations étaient si forts qu’elle entendit à peine que l’on frappait à la porte. Entre deux hoquets, elle alla soulever le loquet et se retrouva nez à nez avec Gabriel qui, de retour en grâce auprès de Dieu, avait réintégré sa place au Royaume des Cieux.

En croisant son regard, Marie ne put s’empêcher de piquer un fard et c’est, avec humilité qu’elle l’invita à entrer, s’excusant de ce que sa demeure était aussi austère.

Dans un coin de la pièce, couché dans un bac à linge de lavandière, l’enfant dévisageait intensément cet étranger à l’allure familière quand, soudain, tendant ses petits bras, il s’écria : «  Papa » !

L’ambiance en prit un coup, et le silence qui s’en suivit témoignait du malaise ambiant. Joseph, de plus en plus soupçonneux, toisait l’envoyé de Dieu d’un œil  suspicieux. Lui qui, à ce jour, n’avait toujours rien compris à l’enfantement de Marie, était à deux doigts de penser que l’emplumé l’avait mystifié… et cela le contrariait.

Indifférent aux états d’âme de Joseph, Gabriel s’adressa à Marie :

— Bonjour Marie, le temps a passé, mais je n’ai pas oublié. Je t’avais promis une aide… et bien…la voici !

Sur le seuil de la porte apparut une femme d’âge mûr, aux formes généreuses, ce qui était un doux euphémisme car, à la vue de la taille de sa poitrine, on était en droit de penser qu’il y avait vraiment du «  monde au balcon ».

— Je vous présente, Salomé Morgenstrumfmaïer, nourrice de son état et exilée comme vous. Originaire des contrées barbares d’Occident, elle fut capturée par les Romains qui l’utilisèrent comme cuisinière, à bord d’une de leurs galères. Elle réussit néanmoins à s’échapper en sautant à la mer et fut repêchée, grâce à Dieu, par un navire marchand phénicien, alors qu’elle flottait comme un bouchon, au large d’Askalon… Salomé s’occupera de l’enfant et des tâches ménagères… Pour ses émoluments, n’ayez point de tourments, nous avons déjà conclu un arrangement.

Marie était aux anges, car elle pouvait désormais s’atteler à chercher assidûment un emploi. Quant à Joseph, il avait une petite idée derrière la tête…

 

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